Dans le cadre du Forum des jeunes Architectes qui s'est déroulé en fin d'année à Barcelone, n'UNDO nous a accordé un entretien pour évoquer la qualité dans l'environnement bâti, l'architecture durable, le patrimoine culturel ou encore la pertinence des politiques architecturales.
CAE: Merci d’avoir participé au Forum des Jeunes Architectes à Barcelone.
Que retenez-vous de cette conférence ?
• Il faut placer l’humain au cœur de l’approche architecturale;
• La réelle durabilité doit être un synonyme de l'architecture;
• L’image de l’architecte, exerçant seul, doit être remplacée par des modèles collectifs et collaboratifs;
• Les problématiques et opportunités nouvelles dans un contexte incertain, appellent des approches nouvelles;
• Les outils ne constituent pas l’exercice de la profession!
L’architecture, ce n'est pas comment on fait les choses mais ce que nous avons véritablement besoin de faire, pour quelles raisons et dans quelle mesure ce que nous construisons est nécessaire. Les débats, les échanges culturels et le partage d’idées sont toujours les temps forts des conférences.
C’était fantastique de voir autant d’approches différentes de l’architecture, différente de l’architecture dite classique ou disparue.
CAE: n’UNDO est une attitude, qui intervient dans un territoire et dans la ville avec une position s’inscrivant dans un mouvement de NON Construction, Minimisation, Réutilisation et Démantèlement. Pouvez-vous-nous en dire plus sur la genèse de n’UNDO ?
n´UNDO est né du besoin d’exercer une architecture avec une approche différente. Après des années d’exercice traditionnel de l’architecture, nous avons réalisé que cela ne contribuait pas ni à améliorer la vie des gens ni à apporter plus d’équité dans la société. Nous avons commencé à œuvrer pour l’aide humanitaire, dans l’hémisphère Sud, ce que nous continuons à faire 50% de notre temps - et à comprendre qu’il était possible de faire une multitude de choses, une grande architecture avec presque rien, et même parfois en ne faisant rien ou en optant pour le démantèlement.
En 2011, cette position devint une résultante de l’activisme, de la critique, mais au fil des années c’est devenu une proposition de plus en plus large et fondée – avec notre conviction profonde - pour améliorer le futur des villes. Nous nous organisons comme un noyau dur avec beaucoup de satellites en orbite qui interagissent selon le projet, les intérêts, les contextes et les propositions. Nous essayons d’être aussi hétérogènes et horizontaux que possible, la limite étant le temps et les étapes de la mise en œuvre.
CAE : En 1996, pour Juanani Pallasmaa « dans des expériences mémorables d'architecture, l'espace, la matière et le temps fusionnent dans une dimension singulière, dans la substance fondamentale de l'être, qui pénètre notre conscience. Nous nous identifions à cet espace, à ce lieu, à ce moment, et ces dimensions deviennent des ingrédients de notre existence même. L'architecture est l'art de la réconciliation entre nous et le monde, et cette médiation passe par les sens ». Votre approche s’inscrit-elle dans le ce « slow » mouvement ?
Les villes sont l’addition de différentes couches s’accumulant rapidement, l’une après l’autre, sans laisser le temps à la réflexion pour de bonnes solutions qui s’adressent aux problèmes réels et aux opportunités plutôt qu’au profit et aux chiffres. Ainsi, notre approche s’inscrit dans le mouvement slow dans le sens où nous ne percevons pas l’architecture comme un bien, un avantage financier, une vitesse. L’architecture est connectée à l’environnement et agit comme un lien entre les deux, mais toujours en contribuant à améliorer la qualité de vie des gens qui y habitent. "Slow "pour nous signifie proximité, respect, préexistence, lenteur et une marche vers une manière d’approcher la connaissance et l’architecture ; de dissocier le développement de la croissance sans fin.
CAE : Comment rendre notre patrimoine plus profitable? Quels sont les avantages d’investir dans notre patrimoine ?
Le patrimoine peut être rentable si notre définition de la rentabilité ne se limite pas qu’à l’argent. Ce n’est pas sous cet angle que nous souhaitons mesurer le développement de nos sociétés. La rentabilité doit s’inscrire dans un sens large et complet, intégrant les facteurs économiques (pas financiers), sociaux, culturels et environnementaux. Le profit social en réponse aux demandes existantes des quartiers et des villes, réutilisant des espaces existants avec un investissement minimal possible, avec des plans viables basés sur la gestion des fonctionnalités et des espaces, ce qui implique des bénéfices comme l’éducation, la participation, la diversité, le développement créatif et professionnel, l’équité, la justice sociale et l’accessibilité universelle. La rentabilité culturelle, dans le sens où la culture et le sport repésentent des moteurs pour la qualité de vie d’un point de vue économique et social. Le patrimoine concerne la valorisation de ce que nous avons, en prenant en compte les différentes couches de la ville, ses connaissances internes et le champs des différents possibles.
CAE : ‘NON’ représente ainsi une manière disruptive de repenser l’exercice de l’architecture. Une nouvelle position. Pouvez-vous nous parler de votre projet « Ne pas faire » à Kalmar en Suède?
Unique cadre vivant et lieu de rencontre, le paysage est un élément primordial de la qualité de vie des populations et des sociétés au niveau matériel, mental et spirituel comme le stipule l'Accord Européen sur le paysage.
L’idée derrière le projet de Kalmar est très simple, il n’y a pas de besoin de construire sur des zones humides côtières, dans un cadre naturel magnifique et unique. A l’inverse, la proposition était de rendre l’actuel quartier monofonctionnel plus divers, plus complexe, compact et durable.
Comment ? En donnant la priorité à la conservation du territoire et du paysage comme notre droit humain d’avoir un environnement sain et en prouvant que la stratégie serait plus rentable en terme économique.
Comment faire ?
En ne construisant pas sur ces zones humides, comme un respect pour ces zones à haute valeur environnementale, qui constitue l’identité même de Kalmar.
En consolidant et protégeant les paysages et les vides existants, à travers une restructuration des chaussées, qui redéfinit la route principale - une barrière séparant les maisons des zones humides - en une rue comme élément intégrateur : rural-urbain, qui permet d'atteindre le littoral à pied en 15 minutes de marche, devenant ainsi le nouveau parc du quartier.
En minimisant les interventions, avec des critères d'impact minimal - énergétique, environnemental et visuel - pour les nouvelles constructions. Un modèle d'urbanisme intensif précis, en opposition à un modèle vaste. La complexité du maillage urbain et par conséquent l’enrichissement du lien social est possible, à travers la diversification des usages et des types.
En réutilisant les espaces et les infrastructures existantes, en les optimisant. Densifier le réseau de logements existant, sans s'éloigner de l'échelle humaine et développer de nouveaux centres pour diversifier et complexifier le quartier. Pour une véritable ville durable, nous devons parler d’ une ville qui requiert moins d'énergie et plus de complexité urbaine.
CAE : A vos yeux, quelle est la pertinence des politiques architecturales? Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’UE pour soutenir l’exercice de la profession et atteindre la qualité de l’environnement bâti ?
L’UE doit jouer un rôle plus actif dans la manière dont l’architecture interagit avec son secteur, son environnement et son exercice quotidien. Une plus grande priorité devrait être accordée au financement de la recherche urbaine, aux nouvelles pratiques innovantes et aux nouveaux modes et formats de schémas urbains, répondant aux besoins réels des citoyens. Les politiques doivent soutenir une architecture qui améliore la vie des gens avec une transformation minimale de l'environnement, une consommation d'énergie minimale et des émissions minimales. C'est ce que nous appelons une architecture de qualité!
L'architecture doit être plus démocratique et transparente, elle doit trouver de meilleurs moyens de communiquer avec les citoyens et les utilisateurs, prouvant que l'architecture ne se limite pas aux seuls architectes ou développeurs, mais qu’elle concerne l'ensemble de la population. L'UE peut sensibiliser sur ce fait.
CAE: En tant que jeunes architectes, quel est le meilleur conseil que l'on vous a donné?
Tuez vos idoles et pensez différemment ! On (ne) peut (pas) faire beaucoup.
Au sujet de n´UNDO
n´UNDO démontre que, contrairement à la construction comme moyen traditionnel d'améliorer notre environnement, il est possible de construire plus et mieux en ne faisant rien, en refaisant ou en défaisant; des actions qui garantissent la durabilité économique, sociale, culturelle et environnementale. Ce n'est pas 'Less is more' mais plutôt 'Nothing can be more'.
n´UNDO fonde son travail sur la critique, le débat et la réflexion proactive où, par sa base théorique, génère l’exercice et la (non) intervention.
n´UNDO est constitué comme un Think Tank, un centre de réflexion et d'expérimentation urbaine, d'où il développe la recherche, la critique, l'enseignement - formel et informel - le débat, les actions urbaines et les interventions artistiques. Cette action théorique est réalisée à travers un bureau d'études techniques, mettant en œuvre des solutions alternatives basées sur la préexistence, l'incertitude, la flexibilité et le temps.
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